Qu’est ce qui vous a amené à quitter votre pays?
J’ai été mis à la porte de chez moi quand j’avais 16 ans parce que j’ai refusé un mariage arrangé par mon demi frère. C’est lui qui prenait les décisions pour moi parce que j’ai perdu mon père à 7 ans. Alors ne sachant plus où aller, j’ai vécu dans la rue pendant quelques mois. Ceux qu’on appelle les rebelles Touaregs venaient souvent dans notre ville du nord du Mali et propageaient la terreur en tirant. Parfois ils motivaient aussi des jeunes garçons à les suivre. Le jour où j’ai quitté ma ville, les Touaregs y étaient venus. Moi, je jouais au football avec des amis de la rue et un homme a eu peur pour nous et nous a proposé de fuir dans sa voiture. Je n’avais que 16 ans, j’étais rejeté de chez moi, je n’avais pas d’argent, j’avais peur des rebelles, mais surtout je ne me sentais pas protégé. Comme je n’avais plus rien à perdre, j’ai décidé de partir. C’est comme ça qu’a commencé mon exil.
Par quels pays êtes vous passé ?
L’Algérie, puis la Libye où j’ai été fait prisonnier et où j’ai travaillé durant 7 mois. Avant d’arriver en Allemagne, j’étais en Italie.
Un jour, en prison, on nous a proposé avec quelques autres jeunes de travailler sur un chantier.
Pourquoi avez vous été fait prisonnier en Libye?
J’ai travaillé quelques semaines pour un homme dans son champ et au moment de me payer, il a refusé et il a appelé la police. Puis, j’ai été conduit en prison. Il y avait beaucoup de jeunes africains mineurs comme moi en prison. Ils avaient tous plus ou moins vécu la même situation. Un jour, en prison, on nous a proposé avec quelques autres jeunes de travailler sur un chantier. On a accepté, puis on a fui.
Depuis combien de temps êtes vous en Europe ?
Je suis arrivé à 17 ans. Tout d’abord en Italie j’y suis resté jusqu’à mes 18 ans et après je suis venu en Allemagne. Ça fait maintenant 2 ans à peu près.
Quelle était votre première impression quand vous êtes arrivé en Europe ?
C’était un soulagement. Je venais de vivre la pire période de ma vie. Je me rappelle qu’avant de monter sur le bateau pneumatique pour la traversée je me suis dit : “peut-être demain tu seras mort”
Je fais beaucoup de cauchemars où je revis cette traversée.
Votre expérience durant votre exil la plus difficile ?
La traversée de la Méditerranée. C’était terrifiant. Nous sommes partis à 3 gros bateaux pneumatiques bondés. Des copains d’exil étaient montés dans un des 2 autres. Mais, juste le notre n’a pas coulé. Nous avons été recueilli par les secours italiens. Tout le monde était si effrayé. Il y a quelques temps, j’ai vu aux infos des bateaux remplis de réfugiés, j’ai dû détourner le regard. C’était trop dur. Je me suis senti physiquement très mal. Je fais beaucoup de cauchemars où je revis cette traversée.
Est-ce que vous pensez que ça valait la peine de prendre tant de risques?
Je ne sais pas. C’est trop tôt pour le dire. Je suis plein d’espoir pour l’avenir bien que je sois perturbé par tous ce que j’ai vécu durant mon exil.
Comment étaient vos conditions de vie quand vous êtes arrivé en Europe ?
Lorsqu’on est arrivé en bateau en Italie, on nous a partagé en 2 groupes les mineurs et les majeurs. Comme mineur j’ai été dirigé vers un centre où j’ai été nourri et logé jusqu’à mes 18 ans. J’en suis sorti le jour de mon anniversaire et j’ai été enregistré officiellement comme réfugié. Peu de temps après j’ai pris un train pour Munich en Allemagne.
Comment a évolué votre vie depuis ?
À mon arrivée à Munich, j’ai été accueilli dans un centre d’urgence réservé aux jeunes hommes pas loin du centre ville. J’ai reçu 170€ par mois pour vivre. Et on m’a vite proposé de suivre des cours d’allemand. Depuis quelques mois, je suis installé dans un immeuble qui accueille des jeunes hommes réfugiés. Une association s’est occupée de moi. Et, on m’a proposé de suivre une formation en hôtellerie. J’aime beaucoup cela, parce que tous les jours je vais à l’école. Ça me fait beaucoup de bien même si c’est difficile parce que je ne parle pas très bien allemand. D’ailleurs, beaucoup d’entre nous, ont après un an à Munich eu la possibilité de suivre une formation professionnelle ou ont commencé à travailler.
On m’a proposé de suivre une formation en hôtellerie.
Faites vous d’autres activités ?
Je fais du football en club. C’est un sport que j’adore. C’est Thomas, un bénévole allemand qui s’est occupé de mon intégration dans un club. J’y suis depuis presque un an. J’ai même mon nom inscrit sur mon maillot de football. Pour nous qui ne sommes plus dans notre pays, ça nous touche vraiment quand des gens se préoccupent de nous. Je me rappelle qu’un jour, je regardais les stands au marché aux puces et une dame âgée avec qui j’avais un peu parlé, m’a offert un tableau qu’elle avait peint et sur lequel était dessiné un gros coeur. Ce geste restera à jamais dans mon coeur.
Comment se passe votre vie avec les autres réfugiés ?
Je partage un immeuble avec d’autres hommes venant d’Afghanistan, d’Irak, d’Iran, de Syrie mais aussi de différents pays d’Afrique comme l’Erytree , la Somalie,l’Ethiopie… Cela se passe plutôt bien. J’essaie surtout de m’occuper juste de mes affaires. Les communautés se côtoient mais ne se parlent pas trop.
Pensez-vous souvent à votre pays?
Oui, tous les jours. Mon pays me manque beaucoup.
Pensez-vous y retourner?
Plus tard. Pour l’instant ce n’est pas mon but.
Avez vous beaucoup de problèmes avec la bureaucratie ?
Pas vraiment. Lorsque je suis arrivé en Allemagne, on m’a donné une carte allemande me donnant la permission d’être sur le territoire bavarois. Puis, on m’a rapidement attribué un lieu où vivre. J’ai été convoqué à un entretien pour ma demande d’asile. Maintenant, j’attends la réponse.
Pouvez-vous dire que vous êtes intégré maintenant ?
Je ne sais pas, si je suis intégré mais je me sens en sécurité.
Avez-vous peur d’être renvoyé ?
Oui, j’y pense toujours. Cela produit chez moi un stress permanent. C’est une peur qu’ont tous les réfugiés que je connais. C’est très dur.
About the author:
Clara took part in our “My Europe”workshop in Munich in 2013. She is one of the winners of the international writing contest from the workshop and has been actively representing the voice of young Europeans through the “Youth Council for the Future” (YCF). Read more…